Sapa, Vietnam
La montée est lente et pénible. À
chaque courbe en « U » (c’est-à-dire tout le temps) le train grince
péniblement et nous balance de gauche à droite. Dans notre compartiment, nous
nous sentons comme 4 bestiaux dans un congélateur : l’air climatisé est
« dans le tapis » et pas moyen de le régler. Nous finissons par
atteindre Lao Cai à l’aube, complètement abrutis par cette nuit sans sommeil.
Dans le minivan qui nous amène vers le village de Sapa, nous nous éveillons
tranquillement à la vue des rizières en terrasse qui s’étagent sur les
montagnes dans la brume matinale.
À notre arrivée à Sapa, nous
achevons de se réveiller complètement alors qu’une quinzaine de petites femmes,
tout de noir vêtu, se mettent littéralement à crier et à courir derrière le
minivan comme si leur vie en dépendait. Abasourdis, nous envisageons de rester
cachés dans le véhicule jusqu’à ce qu’elles se dispersent. Mais c’était bien
mal connaître les femmes Hmong (une ethnie minoritaire vivant dans les
montagnes du nord du Vietnam) qui pratiquent une version extrême de vente.
Reconnues pour leur artisanat impliquant, entre autre, broderie, teinture et
travail de l’argent, elles gagnent leur vie en vendant leur attirail aux
touristes qui visitent le village de Sapa. Le problème est qu’elles forment une
quantité incroyable de vendeuses qui proposent exactement les mêmes produits. Elles ont donc développé une
technique infaillible pour vendre leurs créations. Si vous envisagiez vous
convertir et aller vendre les fruits de votre travail dans le nord du Vietnam,
nous partageons ici la technique des femmes Hmong. Vous allez voir, ça marche à
tout coup… ou presque.
Étape 1 : le charme
Il faut être à l’affut. Lorsque
le bus transportant des touristes arrive, il faut courir avec la vivacité d’un
félin pour les atteindre avant votre voisine (ici tous les coups sont permis,
poussez-la un peu s’il le faut. De toute façon, votre artisanat est bien
meilleur que le sien). Devant le touriste qui sort péniblement du bus, usez de
votre charme. Souriez, faites quelques blagues, intéressez-vous à lui, apprenez
son nom, baragouinez quelques mots dans sa langue.
Étape 2 : Marquez votre
territoire
Les chances que votre touriste
achète dès le matin sont faibles. Lorsqu’il se retire vers sa chambre,
n’oubliez surtout pas de lui remettre un de vos bracelets en cadeau pour bien
faire savoir aux compétitrices que c’est le « vôtre ».
Étape 3 : L’attente
Usez de patience et
installez-vous devant la guest house pour attendre votre proie. Profitez du
temps libre pour peaufiner vos ouvrages. Votre touriste en ressortira
assurément reposé prêt pour l’assaut final.
Étape 4 : L’assaut final
Lorsque votre touriste sort,
poursuivez-le sans relâche à travers le village en lui demandant d’acheter
votre matériel. Ne prenez surtout pas en compte son refus : persistez et
argumentez jusqu’à ce que, épuisé, il cède dans le seul objectif de se
débarrasser de vous. Tentez votre chance, ça marche presque à tous les coups.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Malgré cet acharnement, les
femmes Hmong donnent plutôt l’impression de jouer à un grand jeu à les voir
sourire et rigoler entre elles lorsqu’elles prennent d’assaut les minivans et
les groupes de touristes fraîchement débarqué. Elles sont d’ailleurs
impressionnantes dans leur débrouillardise. La plupart d’entre elles ne sont
pas allées à l’école, ont été victime de répression du gouvernement communiste
vietnamien et vivent avec presque rien. Malgré tout, elles parlent l’anglais et
souvent le français (on en a même vue qui parlait le japonais et le coréen !)
pour mieux vendre leurs produits. Toutefois, ces femmes éveillent des
sentiments contradictoires en nous : nous sommes curieux et effrayés à la
fois. Tristement, sachant que nous
serons pris en chasse si nous osons répondre à leurs questions (Hellloooo! How are yooooou? Where you frrrooom
? What’s your naaaame ? Buy from meeee ?), nous les ignorons. D’ailleurs, c’est une situation qui nous pèse depuis le
début du voyage (parce qu’on l’a vécu partout) : il est souvent difficile
d’entrer en contact avec les locaux autrement que pour une transaction. D’une
part, nous ne parlons pas leur langue, d’autre part, beaucoup voient les
touristes comme des portefeuilles sur pattes. Trop souvent, une conversation
qui semblait anodine se termine en tentative de vente. Malgré tout, nous
continuons de rencontrer des gens merveilleux qui nous questionnent avec une
authentique curiosité et qui partagent avec nous sans arrière-pensée. Nous
réalisons aussi que, à défaut d’apprendre la langue, lorsque nous passons plus
de temps dans un endroit les gens sont plus enclins à converser avec nous.
Alors nous testons cette nouvelle technique.
Trève de philosophie, maintenant
vous vous demandez : Ouin mais pourquoi vous êtes allés à Sapa? Pour les
paysages de montagne (les Français avait surnommé la région les alpes
tonkinoises), les terrasses de riz façonnées à même les flancs de montagne et
pour rencontrer les populations minoritaires (oui, oui, nos amies les Hmongs….).
En fait, nous voulions voir une autre facette du Vietnam. Mais bon, on ne se
fait pas d’illusions, nous n’avons pas rencontré « les gens ». Ils
ont bien d’autres choses à faire que de jouer au Hmong authentique pour les
touristes curieux qui jouent à l’explorateur chez les minorités ethniques.
Néanmoins, cela ne nous a pas empêché d’apprécier les différences culturelles
et la beauté des paysages de cette région.
Le village de Sapa |
Touriste fatiguée |
Terrasses de riz près de Cat Cat |
Enfants Hmong |
Touriste dans la trappe |
Jardin d'orchidées (malheureusement pas en fleur...) |
Phil dans sa cachette secrète |
I wear my sunglasses in the fog |
Cette journée-là, ma mère a fêté ses 53 ans. Je sais. Difficile à croire. |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire