Bromo, Indonésie
Après une semaine en Indonésie, nous avons cessé de compte les
nombreux volcans que l’on croise sur notre chemin. Le plus merveilleux, c’est que ce sont souvent des cônes parfaits avec
un peu de fumée qui s’en échappe. De quoi faire rêver l’enfant en nous. Après
Yogyakarta, nous étions donc prêts à
faire les aventuriers et à aller en voir un de plus près. Nous avons
donc mis le cap sur Bromo, un volcan situé à
l’est de l’île de Java.
Bromo s’élève à une altitude de
2329 mètres. Le village qui le borde est également à une altitude élevée et
notre premier choc en arrivant ce soir-là a été le froid : dehors, il
faisait 4°C.
On a donc enfilé tout ce qu’on avait de vêtements en pelures d’oignons et on
s’est collé pour dormir. Le lendemain matin, nous nous sommes levés avant l’aube
pour attraper le lever du soleil sur le
volcan à partir d’un point de vue situé plus haut dans la montagne. Après 45
minutes de marche à côté d’un monsieur qui voulait absolument nous amener à cheval, nous avons atteint une plate-forme où nous nous sommes installés
pour attendre le lever du soleil. La vue
était très impressionnante. De là où nous étions, nous surplombions le
volcan et la plaine qui l’entoure et nous avions en plus une vue imprenable sur le Seneru, un autre volcan en
activité de la région. La fumée qui s’échappait des 2 volcans contribuait à
rendre l’image encore plus frappante. C’est l’Indonésie : à tout moment un
tremblement de terre, un tsunami, un glissement de terrain ou une éruption
volcanique peut vous surprendre. En redescendant, le soleil a achevé de se lever et nous nous régalions à
la vue des cultures d’oignons, d’échalotes, de maïs, etc. qui forment une espèce de
courtepointe dans la montagne.
Le soleil se lève tranquillement. Au deuxieme plan, Bromo et au troisième plan, Seneru. |
Seneru qui fume un peu |
Après le petit déjeuner, nous
avons mis le cap sur le parc de Bromo
pour voir le volcan de plus près.
Ici, il faut qu’on mentionne que la plupart des gens visitent Bromo sous la formule
« tour semi-organisé ». Le tour opérateur s’occupe du
transport de Yogyakarta à Bromo et vous
dépose à un hôtel le soir. Le lendemain matin, vous pouvez aller voir le lever du soleil sur
Bromo, puis à 8h-9h, le bus vous ramasse pour
vous amener à votre prochaine destination. Nous on
trouvait que c’était vraiment expéditif comme façon de faire et comme on voulait aller marcher dans le parc national, on a décidé d’être un peu à contre-courant et de rester
une nuit de plus. Lorsque nous sommes
arrivés devant le volcan, nous avons pu
constater que nous étions les seuls touristes dans le parc. Avoir un volcan pour nous tout seuls, ça n’arrive pas tous les jours! On se sentait comme de vrais explorateurs et
nous nous félicitions de notre décision
de rester une journée de plus. Avant de commencer à monter vers le cratère, nous avons refusé d’acheter
les fleurs que des vendeurs tentaient de
nous vendre avec insistance :
-
For
the Bromo god. It’s good for your luck!
-
No, thank you (probablement la phrase qu’on a
dit le plus souvent dans la dernière
année)
Nous ne
sommes pas particulièrement superstitieux mais quand, quelques
heures plus tard, la
situation a tourné
au vinaigre, nous n’avons pu nous empêcher de penser qu’on aurait dû acheter ces offrandes.
Nous avons vite grimpé vers le cratère du volcan où la vue sur l’intérieur de Bromo nous a coupé
le souffle : la fumée s’élevait du trou et nous pouvions même entendre un
son de bouillonnement, signe que ce volcan est définitivement en activité. Avant
de partir, nous avions demandé s’il était possible de faire le tour du cratère
à pied. On nous a certifié que c’était
le cas. Nous avons donc entamé la marche d’environ 3km sur la crête du volcan.
La journée était magnifique, la vue exceptionnelle et nous étions totalement
seuls. Nous nous sommes fait remarquer que c’était là un vraiment beau moment
du voyage. Sur la première moitié, le
sentier était large et les pentes extérieure et intérieure du volcan plutôt
douces. Nous avons rapidement marché la première moitié et comme il était
encore tôt, nous avons décidé de suivre un sentier qui menait vers un deuxième
cratère (éteint celui-ci) situé juste derrière Bromo. Les deux cratères sont
collés ce qui fait que l’on peut marcher de l’un à l’autre sans avoir à
redescendre. Après un moment, nous avons remarqué que nous avions grandement
sous-estimé le temps de marche et avons
décidé de rebrousser chemin afin de finir le tour de Bromo. Nous progressions
vite et rapidement nous nous sommes
retrouvés au point le plus haut où se trouve
un petit autel pour le Dieu Bromo. La vue sur le parc était incroyable
dans la lumière de fin de journée. On se
félicitait pour notre timing, la lumière du coucher du soleil nous offrait un superbe
spectacle et devant nous, 500-800 mètres à
parcourir en pente descendante. Facile, quoi !
La plaine au pied du Bromo |
Les vendeurs de fleurs |
Les escaliers pour monter vers le cratère |
Le fameux cratère fumant de Bromo |
Phil sur la crête |
Quelques mètres plus loin, le sentier
se faisait de plus en plus étroit et les pentes intérieure et extérieure de
plus en plus prononcées jusqu’à ce que le sentier soit si étroit qu’on ne
puisse y mettre que la largeur d’un pied. Nous nous sommes dit que c’était
probablement seulement sur quelques mètres. Certainement, ce serait moins pire
devant… Et puis non, c’était de pire en pire. Défoncé, le sentier devenait
impraticable à certains endroits et nous
devions user d’astuces pour continuer à
progresser : parfois nous étions à quatre pattes, parfois nous descendions sur la pente
extérieure en prenant appui sur l’arrête avec nos mains. À chaque tournant,
nous espérions que le chemin se rétablirait mais il devenait de pire en pire.
Nous avons regardé autour de nous :
nous étions encore seuls. Cette solitude
qui nous avait semblé un cadeau du ciel plus tôt nous semblait bien lourde maintenant. Calmement,
nous avons considéré nos options :
1- Rebrousser
chemin : Nous avons vite écarté cette possibilité. Nous avions devant nous
environ 30 minutes de lumière. Revenir sur nos pas demanderait une bonne heure.
2- Continuer
et finir le tour : Nous nous entendions tous les deux pour dire que cette
solution nous semblait folle. Le chemin était défoncé et dangereux et nous
étions seuls. Ni l’un ni l’autre n’avait envie de faire un plongeon dans le
cratère.
3- Descendre
la pente extérieure du volcan pour atteindre le lit d’une rivière asséchée que
nous pourrions suivre jusqu’au pied du volcan.
Nous avions remarqué ce lit de rivière avant de commencer à monter. Nous
savions qu’il nous amènerait où nous voulions. Nous avions 2 craintes,
toutefois : la pente était assez prononcée et le pied du volcan sur cette
face formait plusieurs crêtes et nous n’étions de pas sûr que le chemin serait
praticable. Cela nous semblait quand même l’option la moins dangereuse et nous
avons décidé de nous lancer.
Phil a commencé à descendre
tranquillement en testant le terrain. Rapidement nous avons atteint la rivière
et nous soupirions de soulagement. Le soleil
était déjà très bas, le ciel était rose et orange. C’était probablement
un très beau coucher de soleil mais nous
étions trop concentrés à suivre la rivière asséchée pour le voir. Tout allait assez rondement jusqu’à
ce que devant nous le lit de la rivière plonge d’environ 10 mètres d’un coup.
Nous regardons autour de nous : la rivière est profondément encaissée et
les côtés sont deux parois verticales d’environ 10 mètres aussi. Il n’y a
aucune issue. Nous devons rebrousser chemin et essayer une autre alternative.
À ce moment, nous avions encore
10 minutes de lumière. En essayant de contrôler la panique qui s’emparait de nous,
nous avons fait le constat qu’il n’y aurait pas d’issue avant la tombée du
jour. Notre situation était alarmante.
-
Phil, est-ce que c’est le moment où
il faudrait demander de l’aide ?
-
Je sais pas. Non. Oui. Euh attend…
C’est que l’idée de crier à l’aide, ça fait peur. Ça veut dire que c’est grave. C’est
aussi d’accepter que nous avions tout essayé et que nous étions impuissants,
que seule une aide extérieure pourrait nous sortir de là. Et on a commencé à
crier. Sans perdre de temps, nous
avons examiné nos options :
1- Essayer
de remonter et de progresser au pied du
volcan dans les crêtes et
canyons : Nous observions autour de nous et nous avons vite éliminé cette
option. Si nous ne pouvions pas suivre
le lit de la rivière, il était impossible de marcher dans ce type de terrain.
2- Remonter
et suivre la crête : C’était fou
quand il faisait clair, ce l’était
encore plus dans le noir.
3- Remonter
et revenir sur nos pas : dans le noir,
nous en aurions eu pour des heures.
4- Se
faire un abri pour la nuit et attendre
le lendemain pour reprendre la marche :
les nuits à Bromo sont froides, nous nous
souvenions des 4°C
de la veille. Si nous nous arrêtions, nous courions le risque d’hypothermie.
5- Nous
ne voyions qu’une possibilité : Remonter, mais pas jusqu’à la crête et finir les 500 mètres qui nous
restaient. Nous pourrions progresser au centre, entre le pied et la crête du volcan.
Un bref inventaire de notre sac à
dos nous a permis de constater que nous
avions chacun un chandail à manche longue, quelques biscuits et,
ALLÉLUIA, la lampe frontale. Tout en
continuant de crier à l’aide, on s’est tout de suite mis en marche. Nous avons
atteint une hauteur acceptable et pas à
pas, nous avons commencé à avancer vers notre but. Il faisait maintenant
complètement nuit. Phil avec la lampe frontale ouvrait la marche en
choisissant les appuis pour les pieds avec précaution. Puis, il se tournait vers moi pour que je puisse
voir où
je mettais les pieds à mon tour. C’était fou. La pente était si forte que nous
progressions debout, nous avions difficilement pied et glissions souvent et nous devions se retenir à la
force de nos bras, comme on le pouvait. Nous étions hauts
mais il n’y avait plus de place pour
le vertige. Nous avions le
corps en
compote mais il n’y avait
plus de place pour la fatigue, ni la
faiblesse. L’adrénaline s’est emparée de nous et nous progressions dans
un silence qui n’était troublé que par
les cris à l’aide poussés à intervalle
régulier.
FOCUS.
C’était le mot d’ordre. Un moment d’inattention
pourrait s’avérer fatal.
Puis il est devenu impossible de
continuer à avancer. La pente était
presque verticale. C’était trop dangereux. Nous
avons décidé de remonter sur le cratère bien malgré nous. Comme c’était
extrêmement étroit, nous nous sommes installés à califourchon sur la crête et
avons commencé à avancer comme on le pouvait. Et c’est là qu’on les a vus. 6
faisceaux de lampes de poche qui se dirigeaient vers nous. Nous aurions pleuré
de joie. C’était les vendeurs de fleurs. Ceux à qui nous avions dit « no, thank you »
plus tôt. Ils vivent au pied du volcan et ayant entendu nos cris, ils sont
venus nous aider. Ayant vécu toute leur vie ici, ce sont de vraies chèvres de
montagne. Chaussés de bottes d’eau, ils marchaient en funambule sur la crête
sans trop regarder où ils posaient les pieds, comme s’il n’y avait pas un
précipice qui plonge dans un cratère bouillonnant juste à côté. Avec leur aide
nous avons vite atteint l’escalier et nous avons pu redescendre le volcan. Ils
nous ont raccompagné jusqu’à la route qui menait jusqu’au village et sont
repartis vers la base du volcan après avoir refusé qu’on les remercie de
quelque façon que ce soit.
En marchant vers le village, nous
étions complètement sonnés. Nous avions du mal à croire ce qui venait de nous arriver. Nous étions couverts de terre de la tête au pied.
Les gens qui discutaient tranquillement devant les maisons dans le village se
taisaient pour nous regarder passer.
Nous faisions peur.
Douche, bouffe et dodo. C’est
tout ce qu’on a trouvé l’énergie de faire. Nous étions épuisés. Malgré tout,
nous ne pouvions cesser de penser aux vendeurs de fleurs qui ont pris le
risque de monter sur le cratère dans le
noir pour nous aider. Nous étions tellement reconnaissants. Nous voulions
absolument les remercier.
Le lendemain matin, nous nous
sommes levés avec le soleil et avons traîné nos 2 corps endoloris jusqu’au pied
du volcan à nouveau. Cette fois, il
grouillait de vie. Il y a avait des touristes partout venus pour admirer le cratère. Nous avions envie de mettre tout le monde en
garde mais, heureusement, tout le monde est pressé. Personne ne pense à entamer
la marche autour du cratère. Mais nous n’étions pas là pour ça. Des yeux, nous
cherchions nos vendeurs de fleurs. Un par un, nous les avons trouvé dans la
foule. Et nous avons achetées toutes leurs fleurs. Pour une deuxième fois, nous
avons monté l’escalier qui mène vers le cratère mais cette fois pour y jeter 25
bouquets de fleurs. Il paraît que c’est
bon pour la chance. On ne peut pas cracher là-dessus…
La crête entre les deux cratére. A gauche, le cratère eteint. A droite, le cratère de Bromo. |
Arrivé en haut au début du coucher du soleil encore bien loin de me douter de ce qui nous attend. |
Près de l'autel au point le plus haut. |
Le terrain au pied du volcan. C'est là-dedant que la rivière passait. |
Au moment ou le chemin a commencé à devenir étroit. Après on a rangé la caméra. |
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