Ce n’est pas
qu’on y tenait tant que ça (on s’habitue drôlement vite à la vie sans
travailler…) mais notre compte de banque nous sommait de
trouver un travail et ce rapidement. Pendant notre séjour à Sydney, on
épluchait quotidiennement les annonces sur internet afin de trouver un boulot
dans la cueillette de fruit mais sans succès. Ici plusieurs se demanderont
pourquoi on souhaitait si ardemment trouver un emploi sur une ferme pour se
lever à l’aube et travailler dans la chaleur extrême plus de 10 heures par jour
et ce 7 jours sur 7.
a)
Il est facile de trouver du
boulot
b)
Il n’est pas nécessaire d’avoir
des qualifications
c)
Le logement est généralement
gratuit
d)
Le fait de se retrouver en plein milieu de
nulle part limite les dépenses.
e)
C’est un emploi sans attache
Le
problème : on n’était pas les seuls à avoir eu la même idée. Chaque
annonce à laquelle on répondait avait déjà comblé les postes affichés. On a
alors décidé de prendre le taureau par les cornes : on a sorti le
calendrier des récoltes et on a choisi un endroit. Le lendemain matin on
partait vers Young, la capitale australienne des cerises, dans l’espoir de
trouver un emploi sur un verger une fois sur place. Hé oui, les cerises. On
n’est pas encore sortis de notre phase hippie du CÉGEP du Vieux-Montréal. Notre
plan : aller faire des yeux piteux directement chez le producteur. On
s’est préalablement pratiqué devant le miroir : notre plan est
infaillible, nous sommes irrésistibles.
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Des belles cerises geantes nous ont accueilli a l'entree de la ville ! |
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Ainsi qu'un slogan tres inspire (serieusement, ils auraient pu faire mieux haha) |
Notre plan
comportait toutefois une faille : le calendrier des récoltes nous avait
induits en erreur… Quel ne fut pas notre désespoir quand, une fois arrivés sur
place, les fermiers nous ont renvoyés en nous disant qu’on était ben cutes mais
les cerises ne seront pas prêtes avant un bon mois. UN BON MOIS !!! On
déprimait en voyant les cerises toujours vertes et minuscules dans les arbres
et en discutant avec Pete, l’homme de main du camping ou on restait :
-
Yous (oui, ils disent yous au
lieu de you) are French Canadian aren’t you ?
-
Oui! (tout surpris d’avoir été
identifiés si vite)
-
Je pourrais reconnaître des Canadiens Français
à des kilomètres…
-
Ok… (pas sûrs qu’on aime son
ton)
-
Vous n’avez pas bonne réputation ici. Vous ne
trouverez pas de travail, c’est certain.
Sans vouloir
généraliser, à plusieurs reprises nous avons été confrontés à ce genre de
situation en Australie. Souvent, on nous dit :
-
Nous on n’engage pas de
Français. Les Français sont paresseux et ils veulent tout, tout de suite.
-
Les Américains sont grandes
gueules
-
Et les Coréens ne savent pas
conduire
-
Les Allemands prennent trop de
place
-
Et les Québécois travaillent
trop vite et mal.
Tous ces
préjugés sont basés sur des études très scientifiques conduites sur des grands
groupes, bien sûr…
On allait donc
partir tenter notre chance ailleurs quand on a enfin trouvé un boulot dans une
petite ferme familiale. La famille Martins comprend trois générations de
fermiers. Depuis plus de 60 ans ils cultivent les pêches, nectarine, prunes et
cerises. Ils nous ont donc installés dans une caravane des années 60 sur leur
terrain qui deviendrait notre maison de gypsies pour les 2 prochains mois.
Avec nous, un Allemand, un Italien, quatre Australiens et quatre Français. Pas
pratique quand on veut apprendre l’anglais mais que 50% des employé sont
francophones hihi! Mais quelle joie de partager notre vie avec un si beau
groupe!
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Petit decor champetre... |
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Fermier et barbecue kings de peres en fils |
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Notre caravane de gypsies |
On a commencé
par faire du «thinning» sur les pêches et les nectarines. Cela consistait à
enlever le trop-plein de fruits sur les branches afin de réduire le poids et
leur permettre d’atteindre une croissance maximale. Bref, on arrachait des
fruits pour les laisser tomber au sol. Toute. La. Journée. Légèrement aliénant
mais avec de la musique ça passe bien. Surtout quand on sait que le salaire
horaire pour ce genre d’emploi en Australie est de 19$ de l’heure. Ça aide à
faire passer la pilule hihi!
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Les peches seront bientot mures. Miam. |
Mais c’est quand
les cerises ont fini par murir que le fun a commencé…
Pour les
cerises, on était payé à la production, en travaillant sous un constant
challenge, le temps passait à toute vitesse. On remplissait lug après lug en
tentant d’augmenter notre cadence et en se faisant compétition :
- Mon bucket est plein… Toi ?
(air baveux)
-
Pas encore tout à fait.
-
Ah… ( sourire)
Et en bonus, on
se gavait de cerises. Pour des raisons professionnelles, bien sûr, question que
les consommateurs ne s’empoissonnent pas. On prenait ça à cœur, notre emploi.
Certains matins, on souffrait quand le cadran sonnait à 4h30 mais on avait la chance d’observer des
levers de soleil spectaculaires (à défaut de voir les couchers soleil puisqu’on
se couchait si tôt !) et parfois des kangourous dans les champs. Ce qui provoquait
inévitablement une réaction d’hystérie chez Noémie :
-
HIIIIIIIIIIIII !!!
REGAAAAARDE!!! UN KANGOUROOOOOOOOUS !!!!
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Petit matin dans le verger |
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5h30, on est prets. Il faudra cueillir tous ces arbres. |
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Grape de cerise |
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Phil, concentre a battre le record de Noemie |
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Cueille, cueille, cueille |
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Cerises quelqu'un ? |
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Un lug de plus ! |
Quelques jours
par semaine, on devait empaqueter les cerises pour les envoyer au marché. Ces
journées-là, on revenait 50 ans en arrière et c’était les hommes au champ et
les femmes en dedans. Selon des études très scientifiques encore une fois, il
semble que seules les femmes puissent trier les cerises. Pendant ces journées,
Noémie s’installait le long d’un convoyeur avec les autres collègues féminins
et triait les cerises qui passaient devant elle. C’était comme dans Les Temps Modernes de Charlie Chaplin.
Toujours. Le. Même. Geste.
Brasse les cerises,
prend la cerise, jette-la dans le trou.
Brasse les
cerises, prend la cerise, jette-la dans le trou.
Brasse les cerises,
prend la cerise, jette-la dans le trou.
Etc.
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Trier les cerises. |
Après 2 mois, on
s’est beaucoup attaché au groupe, à la famille et à notre petite vie dans notre
caravane de gypsies à Young. Il faut dire qu’en 4 mois, c’était la première fois
qu’on s’arrêtait plus d’une semaine à un endroit. On était vulnérables. Mais on
a fini par cueillir la dernière cerise et le temps est venu de partir. Nous
avons trouvé un bon plan : cueillir les raisins de tables à Menindee, en
plein cœur du outback australien
Après maintes et maintes recommandations de la
part de la famille Martins sur la façon de se protéger de la chaleur et du
soleil et après avoir promis que l’on appellerait en arrivant, on s’est remis
sur la route. En croisant un kangourou à l’aube sur le chemin, on a soupiré de
bonheur. C’est bon de repartir à l’aventure.
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Et ici, on en croise vraiment... Pas comme les cerfs ;) |
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Ok on est ketaines mais y a-t'il quelque chose de plus Australien qu'un coucher de soleil orange sur les eucalyptus ? |
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Mon ami le chien qui dort. |
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Phil, fermier en devenir. |
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La bande (en partie) |
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