jeudi 5 janvier 2012

Le plan, phase 2 : Young

Ce n’est pas qu’on y tenait tant que ça (on s’habitue drôlement vite à la vie sans travailler…)   mais notre compte de banque nous sommait de trouver un travail et ce rapidement. Pendant notre séjour à Sydney, on épluchait quotidiennement les annonces sur internet afin de trouver un boulot dans la cueillette de fruit mais sans succès. Ici plusieurs se demanderont pourquoi on souhaitait si ardemment trouver un emploi sur une ferme pour se lever à l’aube et travailler dans la chaleur extrême plus de 10 heures par jour et ce 7 jours sur 7.
a)      Il est facile de trouver du boulot
b)      Il n’est pas nécessaire d’avoir des qualifications
c)       Le logement est généralement gratuit
d)       Le fait de se retrouver en plein milieu de nulle part limite les dépenses.
e)      C’est un emploi sans attache

Le problème : on n’était pas les seuls à avoir eu la même idée. Chaque annonce à laquelle on répondait avait déjà comblé les postes affichés. On a alors décidé de prendre le taureau par les cornes : on a sorti le calendrier des récoltes et on a choisi un endroit. Le lendemain matin on partait vers Young, la capitale australienne des cerises, dans l’espoir de trouver un emploi sur un verger une fois sur place. Hé oui, les cerises. On n’est pas encore sortis de notre phase hippie du CÉGEP du Vieux-Montréal. Notre plan : aller faire des yeux piteux directement chez le producteur. On s’est préalablement pratiqué devant le miroir : notre plan est infaillible, nous sommes irrésistibles.
Des belles cerises geantes nous ont accueilli a l'entree de la ville !

Ainsi qu'un slogan tres inspire (serieusement, ils auraient pu faire mieux haha)

Notre plan comportait toutefois une faille : le calendrier des récoltes nous avait induits en erreur… Quel ne fut pas notre désespoir quand, une fois arrivés sur place, les fermiers nous ont renvoyés en nous disant qu’on était ben cutes mais les cerises ne seront pas prêtes avant un bon mois. UN BON MOIS !!! On déprimait en voyant les cerises toujours vertes et minuscules dans les arbres et en discutant avec Pete, l’homme de main du camping ou on restait :

-          Yous (oui, ils disent yous au lieu de you) are French Canadian aren’t you ?
-          Oui! (tout surpris d’avoir été identifiés si vite)
-           Je pourrais reconnaître des Canadiens Français à des kilomètres…
-          Ok… (pas sûrs qu’on aime son ton)
-           Vous n’avez pas bonne réputation ici. Vous ne trouverez pas de travail, c’est certain.

Sans vouloir généraliser, à plusieurs reprises nous avons été confrontés à ce genre de situation en Australie. Souvent, on nous dit :
-          Nous on n’engage pas de Français. Les Français sont paresseux et ils veulent tout, tout de suite.
-          Les Américains sont grandes gueules
-          Et les Coréens ne savent pas conduire
-          Les Allemands prennent trop de place
-          Et les Québécois travaillent trop vite et mal.

Tous ces préjugés sont basés sur des études très scientifiques conduites sur des grands groupes, bien sûr…

On allait donc partir tenter notre chance ailleurs quand on a enfin trouvé un boulot dans une petite ferme familiale. La famille Martins comprend trois générations de fermiers. Depuis plus de 60 ans ils cultivent les pêches, nectarine, prunes et cerises. Ils nous ont donc installés dans une caravane des années 60 sur leur terrain qui deviendrait notre maison de gypsies pour les 2 prochains mois. Avec nous, un Allemand, un Italien, quatre Australiens et quatre Français. Pas pratique quand on veut apprendre l’anglais mais que 50% des employé sont francophones hihi! Mais quelle joie de partager notre vie avec un si beau groupe!  
Petit decor champetre...


Fermier et barbecue kings de peres en fils

Notre caravane de gypsies

On a commencé par faire du «thinning» sur les pêches et les nectarines. Cela consistait à enlever le trop-plein de fruits sur les branches afin de réduire le poids et leur permettre d’atteindre une croissance maximale. Bref, on arrachait des fruits pour les laisser tomber au sol. Toute. La. Journée. Légèrement aliénant mais avec de la musique ça passe bien. Surtout quand on sait que le salaire horaire pour ce genre d’emploi en Australie est de 19$ de l’heure. Ça aide à faire passer la pilule hihi!
Les peches seront bientot mures. Miam.

Mais c’est quand les cerises ont fini par murir que le fun a commencé…

Pour les cerises, on était payé à la production, en travaillant sous un constant challenge, le temps passait à toute vitesse. On remplissait lug après lug en tentant d’augmenter notre cadence et en se faisant compétition :

-          Mon bucket est plein… Toi ? (air baveux)
-          Pas encore tout à fait.
-          Ah… ( sourire)

Et en bonus, on se gavait de cerises. Pour des raisons professionnelles, bien sûr, question que les consommateurs ne s’empoissonnent pas. On prenait ça à cœur, notre emploi. Certains matins, on souffrait quand le cadran sonnait à  4h30 mais on avait la chance d’observer des levers de soleil spectaculaires (à défaut de voir les couchers soleil puisqu’on se couchait si tôt !) et parfois des kangourous dans les champs. Ce qui provoquait inévitablement une réaction d’hystérie chez Noémie :

-          HIIIIIIIIIIIII !!! REGAAAAARDE!!! UN KANGOUROOOOOOOOUS !!!!
Petit matin dans le verger

5h30, on est prets. Il faudra cueillir tous ces arbres. 
Grape de cerise

Phil, concentre a battre le record de Noemie

Cueille, cueille, cueille

Cerises quelqu'un ?

Un lug de plus !

Quelques jours par semaine, on devait empaqueter les cerises pour les envoyer au marché. Ces journées-là, on revenait 50 ans en arrière et c’était les hommes au champ et les femmes en dedans. Selon des études très scientifiques encore une fois, il semble que seules les femmes puissent trier les cerises. Pendant ces journées, Noémie s’installait le long d’un convoyeur avec les autres collègues féminins et triait les cerises qui passaient devant elle. C’était comme dans Les Temps Modernes de Charlie Chaplin. Toujours. Le. Même. Geste.
Brasse les cerises, prend la cerise, jette-la dans le trou.
Brasse les cerises, prend la cerise, jette-la dans le trou.
Brasse les cerises, prend la cerise, jette-la dans le trou.
Etc.
Trier les cerises. 

Après 2 mois, on s’est beaucoup attaché au groupe, à la famille et à notre petite vie dans notre caravane de gypsies à Young. Il faut dire qu’en 4 mois, c’était la première fois qu’on s’arrêtait plus d’une semaine à un endroit. On était vulnérables. Mais on a fini par cueillir la dernière cerise et le temps est venu de partir. Nous avons trouvé un bon plan : cueillir les raisins de tables à Menindee, en plein cœur du outback australien

 Après maintes et maintes recommandations de la part de la famille Martins sur la façon de se protéger de la chaleur et du soleil et après avoir promis que l’on appellerait en arrivant, on s’est remis sur la route. En croisant un kangourou à l’aube sur le chemin, on a soupiré de bonheur. C’est bon de repartir à l’aventure.
Et ici, on en croise vraiment... Pas comme les cerfs ;)
Ok on est ketaines mais y a-t'il quelque chose de plus Australien qu'un coucher de soleil orange sur les eucalyptus ?

Mon ami le chien qui dort.

Phil, fermier en devenir.

La bande (en partie)

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